lundi 29 mai 2017

La Côte d'ivoire se prépare à la norme ISO/CEN sur le cacao durable

Le 24 mai dernier, le Conseil des ministres en Côte d'Ivoire a adopté un décret réglementant la mise en œuvre des projets de certification et des programmes de durabilité dans la filière Café-Cacao. 
Ce décret détermine les conditions de mise en œuvre d’un cadre propice et organise le mécanisme de suivi et d’évaluation des projets de certification et des programmes de durabilité dans la filière café-cacao. Cette mesure vise à créer les conditions d’une production cacaoyère plus abondante, durable et de meilleure qualité, en vue de faire face à l’accroissement de la demande de cacao certifié par les industries cacaoyère et chocolatière nationale et internationale. 

Il s’agit également de répondre aux exigences des normes internationales de certification et de préparer les producteurs ainsi que toute la chaine de valeur du cacao à la mise en œuvre de la norme CEN/ISO pour le cacao durable et traçable dont la publication est prévue en novembre 2017.

Une sélection attentive des fèves © Chocolatemakers

La norme ISO 34101 - Fèves de cacao durables et traçables

Si certains industriels du chocolat ont adopté un ou plusieurs des trois principaux systèmes de certification externe internationaux (Fairtrade, Utz Certified, Rainforest Alliance), il est néanmoins clair que l'industrie ne mise pas uniquement sur cette piste. 

À leur initiative, le CEN (Comité européen de normalisation), la coupole des organisations nationales de normalisation de 33 pays européens, a engagé en 2011 un processus devant déboucher sur « une norme générale pour le cacao durable ». Un objectif ambitieux, certes, particulièrement vu que le CEN quitte pour la première fois son terrain de prédilection - les normes de qualité et de sécurité - pour aborder un thème aussi complexe que la durabilité. Il a rapidement été rejoint dans cette entreprise par l'ISO (International Organization for Standardization) et ses 163 pays membres. Les pays producteurs de cacao se retrouvent également autour de la table, de même que d'autres parties prenantes comme des entreprises et des ONG, par le biais des comités miroirs nationaux.
La norme ISO 34101 - Fèves de cacao durables et traçables décrit ce qui est nécessaire à une culture durable des fèves de cacao. Elle vise aussi à l’élaboration d’un système de développement progressif des fermes où elles sont produites.

Tous les maillons de la chaîne du cacao pourront utiliser la norme. L’objectif est d’établir de bonnes pratiques agricoles, de protéger l’environnement et d’améliorer les conditions sociales et les conditions de vie des fermiers. En outre, il s’agit aussi de rendre le secteur attractif pour les jeunes, un aspect qui n’est pas sans importance quand on sait que l’âge moyen des fermiers ne cesse d’augmenter.*

Le projet de norme se compose de trois parties :

- Exigences relatives au système de management de la durabilité
- Exigences de performance (relative aux aspects économiques, sociaux et environnementaux)
- Exigences de traçabilité.

La série de normes est en cours d’élaboration au sein du Comité européen de normalisation (CEN), sous la responsabilité du CEN/TC 415, Cacao durable et traçable, dont le secrétariat est détenu par DS, membre de l’ISO pour le Danemark, et de l’ISO/TC 34/SC 18, Cacao, dont les membres de l’ISO pour la Côte d’Ivoire (CODINORM), le Ghana (GSA) et les Pays-Bas (NEN) assurent la gestion conjointe.**

Elle recourra à un système Low Threshold/High Bar, c'est-à-dire distinguant différents niveaux (d'entrée, moyen, haut). La reconnaissance à un de ces niveaux implique la mise en place d'un plan d’action pour accéder à un niveau supérieur. 
Ce faisant, ISO/CEN espère faire du cacao durable la norme et non plus un produit de niche. Contrairement aux systèmes de certification existants, aucun label CEN ou ISO ne sera apposé sur le produit final à l'intention du consommateur : il reviendra aux entreprises souhaitant mettre en exergue que leur cacao est « cultivé durablement » de faire valider cette allégation. 


Une occasion unique ?

Il est clair que l'industrie voit dans ce processus une excellente solution pour tenir ses promesses ou, comme le formule Bill Guyton de la World Cocoa Foundation, « une occasion unique pour l'ensemble de la communauté cacaoyère ». De son côté, Choprabisco, la coupole des entreprises belges de chocolat, soutient également l'initiative.

VOICE, une coalition d'ONG et de syndicats européens,  a longtemps hésité sur la position à adopter, mais a finalement décidé d'apporter sa pierre à l'édifice. « L'opportunité nous est offerte de nous asseoir autour de la table avec l'industrie, désormais consciente, elle aussi, de la nécessité d'un changement », argumente Marieke Poissonnier d’Oxfam-Wereldwinkels . « Il se peut qu’au fur et à mesure de sa concrétisation, le processus perde de son impact, ce que nous ne manquerons alors pas de dénoncer. » 

Même son de cloche du côté des trois systèmes de certification associés au processus : « Notre décision d'y participer est sous-tendue par notre volonté d'instaurer des principes de commerce équitable et de contribuer à une progression réelle de l'ensemble du secteur », déclare Caitlin Peeling, Global Product Manager Cocoa chez Fairtrade International. « Nous souhaitons voir se développer une plateforme conjointe de discussion et d'apprentissage de la durabilité, ainsi qu'une prise de conscience accrue de la nécessité de changements, qui débouchera, espérons-le, sur des engagements concrets », renchérit Martine Willems, Manager Sustainable Agriculture Relations chez Rainforest Alliance.  Et Melanie Mokken, Responsable Communication chez UTZ, d’ajouter : « L'objectif de CEN/ISO rejoint la mission d'UTZ Certified, à savoir créer un monde où le cacao durable est la norme ». Quoi qu'il en soit, FI, UTZ et RA ne nourrissent pas de grands espoirs. « Nous ne voyons pas directement la plus-value d'une nouvelle norme », déclare Martine Willems (RA).

Même regard critique chez Caitlin Peeling (FI) : « Certains aspects essentiels du commerce équitable ne seront pas repris dans la norme, comme le rôle central réservé aux coopératives paysannes ou de meilleures et plus équitables conditions commerciales. Aussi, Fairtrade International continuera de jouer un rôle crucial pour le renforcement des agriculteurs et de leurs organisations. »  

La norme devrait toutefois permettre de faire valider comme « durables », les systèmes internes développés par les industriels, comme le « Cocoa Life » de Mondelez, et de se passer des certifications équitables, durables existantes.  Au risque d’alimenter plus encore la confusion chez les consommateurs.  



Source de la présentation de la norme ISO/CEN : À la recherche d'une norme mondiale pour le cacao "durable", Trade for Development Centre, 2015. 
* NBN, Une nouvelle norme pour des fèves de cacao plus durables, 2016.
**Clare Naden, Grand pas en avant dans le secteur du cacao avec de nouvelles normes mondiales en cours de préparation, ISO 19 septembre 2016.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire