Le 24 mai
dernier, le Conseil des ministres en Côte d'Ivoire a adopté un décret
réglementant la mise en œuvre des projets de certification et des programmes de
durabilité dans la filière Café-Cacao.
Ce décret
détermine les conditions de mise en œuvre d’un cadre propice et organise le
mécanisme de suivi et d’évaluation des projets de certification et des
programmes de durabilité dans la filière café-cacao. Cette mesure vise à créer
les conditions d’une production cacaoyère plus abondante, durable et de
meilleure qualité, en vue de faire face à l’accroissement de la demande de
cacao certifié par les industries cacaoyère et chocolatière nationale et
internationale.
Il s’agit
également de répondre aux exigences des normes internationales de certification
et de préparer les producteurs ainsi que toute la chaine de valeur du cacao à
la mise en œuvre de la norme CEN/ISO pour le cacao durable et traçable dont la
publication est prévue en novembre 2017.
Une sélection attentive des fèves © Chocolatemakers |
La norme ISO 34101 - Fèves de cacao durables et traçables
Si certains
industriels du chocolat ont adopté un ou plusieurs des trois principaux
systèmes de certification externe internationaux (Fairtrade, Utz Certified,
Rainforest Alliance), il est néanmoins clair que l'industrie ne mise pas uniquement
sur cette piste.
À leur
initiative, le CEN (Comité européen de normalisation), la coupole des
organisations nationales de normalisation de 33 pays européens, a engagé
en 2011 un processus devant déboucher sur « une norme générale pour le
cacao durable ». Un objectif ambitieux, certes, particulièrement vu
que le CEN quitte pour la première fois son terrain de prédilection - les
normes de qualité et de sécurité - pour aborder un thème aussi complexe que la
durabilité. Il a rapidement été rejoint dans cette entreprise par l'ISO
(International Organization for Standardization) et ses 163 pays membres.
Les pays producteurs de cacao se retrouvent également autour de la table, de
même que d'autres parties prenantes comme des entreprises et des ONG, par le
biais des comités miroirs nationaux.
La norme
ISO 34101 - Fèves de cacao durables et traçables décrit ce qui est nécessaire à
une culture durable des fèves de cacao. Elle vise aussi à l’élaboration
d’un système de développement progressif des fermes où elles sont produites.
Tous les
maillons de la chaîne du cacao pourront utiliser la norme. L’objectif est
d’établir de bonnes pratiques agricoles, de protéger l’environnement et
d’améliorer les conditions sociales et les conditions de vie des fermiers. En
outre, il s’agit aussi de rendre le secteur attractif pour les jeunes, un
aspect qui n’est pas sans importance quand on sait que l’âge moyen des fermiers
ne cesse d’augmenter.*
Le projet
de norme se compose de trois parties :
- Exigences relatives au système de management de la durabilité
- Exigences de performance (relative aux aspects économiques, sociaux et environnementaux)
- Exigences de traçabilité.
- Exigences relatives au système de management de la durabilité
- Exigences de performance (relative aux aspects économiques, sociaux et environnementaux)
- Exigences de traçabilité.
La série de
normes est en cours d’élaboration au sein du Comité européen de normalisation
(CEN), sous la responsabilité du CEN/TC 415, Cacao durable et traçable, dont le
secrétariat est détenu par DS, membre de l’ISO pour le Danemark, et de l’ISO/TC
34/SC 18, Cacao, dont les membres de l’ISO pour la Côte d’Ivoire (CODINORM), le
Ghana (GSA) et les Pays-Bas (NEN) assurent la gestion conjointe.**
Elle
recourra à un système Low Threshold/High Bar, c'est-à-dire distinguant
différents niveaux (d'entrée, moyen, haut). La reconnaissance à un de ces
niveaux implique la mise en place d'un plan d’action pour accéder à un niveau
supérieur.
Ce faisant,
ISO/CEN espère faire du cacao durable la norme et non plus un produit de niche.
Contrairement aux systèmes de certification existants, aucun label CEN ou ISO
ne sera apposé sur le produit final à l'intention du consommateur : il
reviendra aux entreprises souhaitant mettre en exergue que leur cacao est
« cultivé durablement » de faire valider cette allégation.
Une
occasion unique ?
Il est
clair que l'industrie voit dans ce processus une excellente solution pour tenir
ses promesses ou, comme le formule Bill Guyton de la World Cocoa Foundation,
« une occasion unique pour l'ensemble de la communauté cacaoyère ».
De son côté, Choprabisco, la coupole des entreprises belges de chocolat,
soutient également l'initiative.
VOICE, une coalition d'ONG et de syndicats européens, a
longtemps hésité sur la position à adopter, mais a finalement décidé d'apporter
sa pierre à l'édifice. « L'opportunité nous est offerte de nous asseoir
autour de la table avec l'industrie, désormais consciente, elle aussi, de la
nécessité d'un changement », argumente Marieke Poissonnier
d’Oxfam-Wereldwinkels . « Il se peut qu’au fur et à mesure de sa
concrétisation, le processus perde de son impact, ce que nous ne manquerons
alors pas de dénoncer. »
Même son de
cloche du côté des trois systèmes de certification associés au processus :
« Notre décision d'y participer est sous-tendue par notre volonté
d'instaurer des principes de commerce équitable et de contribuer à une
progression réelle de l'ensemble du secteur », déclare Caitlin Peeling,
Global Product Manager Cocoa chez Fairtrade International. « Nous
souhaitons voir se développer une plateforme conjointe de discussion et
d'apprentissage de la durabilité, ainsi qu'une prise de conscience accrue de la
nécessité de changements, qui débouchera, espérons-le, sur des engagements
concrets », renchérit Martine Willems, Manager Sustainable Agriculture
Relations chez Rainforest Alliance. Et Melanie Mokken, Responsable
Communication chez UTZ, d’ajouter : « L'objectif de CEN/ISO rejoint la mission
d'UTZ Certified, à savoir créer un monde où le cacao durable est la norme ».
Quoi qu'il en soit, FI, UTZ et RA ne nourrissent pas de grands espoirs. « Nous
ne voyons pas directement la plus-value d'une nouvelle norme », déclare Martine
Willems (RA).
Même regard
critique chez Caitlin Peeling (FI) : « Certains aspects essentiels du commerce
équitable ne seront pas repris dans la norme, comme le rôle central réservé aux
coopératives paysannes ou de meilleures et plus équitables conditions
commerciales. Aussi, Fairtrade International continuera de jouer un rôle
crucial pour le renforcement des agriculteurs et de leurs organisations.
»
La norme devrait
toutefois permettre de faire valider comme « durables », les systèmes
internes développés par les industriels, comme le « Cocoa Life » de
Mondelez, et de se passer des certifications équitables, durables existantes. Au risque d’alimenter plus encore la confusion chez les consommateurs.
Source de la présentation de la norme ISO/CEN : À la recherche d'une norme mondiale pour le cacao "durable", Trade for Development Centre, 2015.
* NBN, Une nouvelle norme pour des fèves de cacao plus durables, 2016.
* NBN, Une nouvelle norme pour des fèves de cacao plus durables, 2016.
**Clare Naden, Grand
pas en avant dans le secteur du cacao avec de nouvelles normes mondiales en
cours de préparation, ISO 19 septembre 2016.
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