lundi 1 octobre 2012

Commerce équitable et zones de conflit : Fair Trade Lebanon

Entre son indépendance en 1943 et le début de la guerre civile en 1975, le Liban a connu une période de stabilité et de prospérité exemplaire.
Le pays était alors connu comme «la Suisse du Moyen-Orient».
Le Liban est un pays multiculturel et pluriconfessionnel au sein duquel l’équilibre des pouvoirs repose sur une répartition plus ou moins proportionnelle établie en fonction du poids de chaque communauté religieuse.
Il faudra attendre le départ des troupes israéliennes en 2000 pour qu’émerge au Sud-Liban l’idée du commerce équitable en réponse aux difficultés des populations locales, essentiellement chrétiennes, que l’Etat libanais et les principales communautés considèrent comme des collaborateurs des forces d’occupation israéliennes.

Tandis que les populations chiites du Sud-Liban reçoivent l’appui du Hezbollah et de ses réseaux, les15 000 à 25 000 personnes qui vivent dans les villages chrétiens voient leur perspectives de développement s’assombrir faute de soutien et de marchés pour leurs produits.

La méfiance et l’hostilité se répandent entre ces communautés qui ne bénéficient pas des mêmes appuis3.
Emissaire de l’organisation religieuse caritative Saint Vincent de Paul, Philippe Adaime, a participé aux réunions de villages qui ont conduit à la création de Fair Trade Lebanon.

Cette nouvelle organisation, dit-il, est née «de la volonté d’une poignée de Libanais de changer la vie des populations rurales les plus défavorisées du Liban. Faisant le constat qu’il existe dans les régions une infrastructure de production agricole sous-employée ainsi que des savoir- faire traditionnels, ils ont fait le choix du commerce équitable comme moyen de créer des débouchés à l’exportation pour les petits producteurs et les coopératives de transformation de ces régions»4.

En 2005, les contacts établis avec l’importateur français SEL5 aboutissent à la signature d’un partenariat qui sera décisif pour l’organisation naissante. En mars 2006, quelques mois avant la guerre de juillet, Fair Trade Lebanon voit officiellement le jour avec pour objectif «de devenir un fédérateur des réseaux de producteurs du pays (coopératives et petites exploitations familiales) désireux de participer à la dynamique du commerce équitable»6.

Dès ses débuts, l’organisation de commerce équitable libanaise s’est montrée attentive à la perpétuation
des richesses culinaires et artisanales traditionnelles mises à mal par ces années de conflits :

«La cuisine libanaise est réputée excellente, aux quatre coins du globe. La diaspora libanaise s’investit et s’intègre dans tous les pays. Souvent, le soleil du pays et les bonnes recettes de grand-mère leur manquent. Par ailleurs, les villages libanais regorgent de trésors culinaires qui risquent de tomber dans l’oubli. A cause de la guerre, mais aussi de l’exode rural, les recettes se perdent, et les traditions culinaires aussi. A cause de la situation économique, les gens, les jeunes notamment, quittent le village, puis le pays»7.

Si l’huile d’olive est, comme en Palestine, le produit phare du commerce équitable libanais (et le symbole de son existence et de la résistance aux occupants), Fair Trade Lebanon commercialise aussi de nombreux produits aux résonnances quasi-bibliques (confitures du Mont Hermon, savons de Byblos, fleur de sel de Anfeh, etc.) qui sont fabriqués aux quatre coins du Pays du Cèdre.

Vendus sous le label «Saveurs équitables Terroirs du Liban», ces produits sont disponibles actuellement dans plusieurs centaines de points de ventes en Europe et au Canada. Ce sont près de 350 bénéficiaires directs qui profitent aujourd’hui de ces échanges et dont la «condition sociale s’est nettement améliorée », selon Benoît Berger8, l’un des responsables, qui ajoute que «les efforts de Fair Trade Lebanon sont aujourd’hui couronnés par son adhésion au réseau international de commerce équitable, la World Fair Trade Organization (WFTO)».

L’organisation libanaise est en effet devenue membre à part entière de ce réseau à la renommée internationale.
Elle a également réussi à commercialiser, depuis le printemps 2010, ses produits à l’intérieur du pays, alors que ceux-ci, issus de 14 coopératives agricoles libanaises, étaient jusque-là destinés uniquement à l’export.
Dernière initiative de Fair Trade Lebanon : soutenir les ex-producteurs de haschich de la plaine de la Békaa, dont un grand nombre s’est retrouvé sans revenus depuis la décision du gouvernement d’interdire ces cultures. Pour trouver une alternative, l’organisation libanaise de commerce équitable s’est associée à un projet qui soutient la conversion de ces producteurs aux cultures vinicoles et qui doit permettre à ces populations d’assurer des revenus plus élevés que du temps des cultures illicites9.

Pour en savoir plus :

Extrait de la brochure du Trade for Development Centre : "Le commerce équitable en zones de conflit", téléchargeable gratuitement ou consultable en ligne sur issuu


1. Source : Wikipedia - www.wikipedia.org
2. Source : Géographie sociale et politique - www.geographie-sociale.org
3. Source : « Un rameau d’olivier pour le Proche Orient», FAIR TRADE LEBANON-COMMERCE EQUITABLE LIBAN, 9 novembre 2009 -www.facebook.com/notes/fair-trade-lebanon-commerce-equitable-liban/un-rameau-dolivier-pour-leproche-orient/171325999422
4. Source : www.fairtradelebanon.org
5. Source : www.artisanatsel.com
6 et 7 Source : www.fairtradelebanon.org
8 et 9. Source : Rana Andraos, « Fair Trade Lebanon, ou l’itinéraire d’une success story à la saveur équitable», L’Orient Le Jour, mai 2010



Crédit photo : Mzaa Soap

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