jeudi 27 septembre 2012

Le tourisme équitable et solidaire

Le tourisme est le deuxième secteur économique pour les pays du Sud après le pétrole. Il représente actuellement à peu près 10 % de l’activité économique mondiale. Cette industrie, devenue planétaire, est en pleine expansion, mais génère de nombreux impacts négatifs. En réaction, des initiatives touristiques porteuses de développement pour les populations locales fleurissent de par le monde.

Malgré le coût pour l’environnement, les voyages touristiques décollent. De 10 à 20 millions de déplacements touristiques hors des frontières nationales dans l’immédiat après-guerre, on est passé à quelque 200 millions de vacanciers internationaux en 1975, et à 980 millions en 2011 !
L’Organisation mondiale du tourisme prévoit 1,6 milliard de touristes en 2020. Le chiffre d’affaires du secteur devrait être alors de 2000 milliards de dollars.
De nouvelles perspectives de développement s’ouvrent ainsi dans les régions pauvres et structurellement défavorisées. Alors, le tourisme, la nouvelle panacée pour sortir de la pauvreté les pays en développement? Sous certaines formes, il peut être un moteur économique puissant (apport de devises, création d’emplois, amélioration de la balance commerciale, stimulation des investissements, soutien aux services locaux, valorisation des ressources naturelles et culturelles…).
 
Toutefois, la Banque mondiale estime que 55 % des dépenses touristiques dans les pays en développement est captée par les pays du Nord, via les compagnies aériennes internationales, les chaînes hôtelières, les agences de voyages ou les biens de consommation importés.
En outre, les effets positifs du tourisme sont généralement compensés par d’autres impacts négatifs, comme de très bas salaires pour le personnel local dans l’hôtellerie, la restauration, l’animation ou les transports, ou encore par le développement de réseaux de prostitution et du travail des enfants. Selon le Bureau international du Travail, environ 20 millions d’enfants de moins de 18 ans travaillent dans le secteur touristique.
Le tourisme consomme aussi beaucoup d’eau potable : un terrain de golf moyen en Thaïlande utilise autant d'eau chaque année que 60 000 habitants locaux ; à Agadir au Maroc, on peut voir les pelouses des hôtels irriguées jour et nuit alors que la population des quartiers périphériques de la ville n’a pas accès à l’eau potable…
 
Une pression directe sur les écosystèmes fragiles, notamment les littoraux, provoque la dégradation de l’environnement physique et perturbe la faune et la flore sauvages.
Et que dire de la culture, souvent réduite à l’état de folklore marchandisé, artificiel ? À Bali, en Indonésie, les guides touristiques ont pris l’habitude d’accueillir les touristes avec des colliers de fleurs, une tradition purement polynésienne.

 

L’alternative du tourisme équitable et solidaire

 


Face à ces constats, plusieurs personnes et organisations se sont posé la question des conditions d’un tourisme moteur de développement pour les populations locales.

Pour Marie-Paule Eskénazi, directrice de l’asbl Tourisme autrement (voir encadré), deux notions sont essentielles à cet égard : « Celle du respect : des hommes, de leurs traditions, de leurs représentations symboliques, de leur environnement. Et la notion du temps, de la durée du voyage. Parce que ce n’est que dans la durée que l’on peut comprendre l’Autre. Le temps n’est pas assez pris en compte dans la préparation touristique. C’est la course. Beaucoup de gens essaient de voir un maximum de choses en un minimum de temps, pour raconter, au pays : “J’ai fait le Pérou” ou “J’ai fait le Congo”. Ils se sont peut-être fait plaisir et c’est tant mieux, mais ils n’ont compris de ce qu’était l’Autre, ils n’ont pas pris le temps de le connaître. Il faut prendre le temps, s’asseoir et écouter ».
 
Le respect mutuel et le désir de mieux connaître les populations que l’on visite sont à la base des programmes de tourisme équitable et solidaire, qui offrent une possibilité de plus dans le champ de la solidarité internationale. Dans ce type de tourisme, les communautés locales participent de manière significative à l’organisation et à la gestion des activités touristiques. Elles ont la possibilité de les modifier, de les réorienter ou de les arrêter. Pour Liliana Chiocci, présidente d’Altervoyages : « C’est différent de quelqu’un qui ouvre un lodge ou une auberge dans une communauté et donne du travail à certaines personnes. Ici, la communauté décide du prix du service offert, du nombre de touristes ou de voyageurs qu’elle désire accueillir et de la période d’accueil. Une partie des bénéfices sert à toute la communauté, et dans certains cas une partie du prix du voyage peut servir à financer la préservation de la forêt amazonienne ou un projet jugé prioritaire par la communauté ».
 
Découvrir les cultures locales
La prise en main de l’activité touristique par les communautés locales renforce leur identité culturelle, revalorise leur gastronomie et leur patrimoine historique, à l’écart de toute folklorisation. « Avec le développement de ce tourisme, des emplois sont créés et, surtout, les jeunes restent dans les villages », ajoute Liliana Chiocci.

Dans le petit monde de « l’équitable », tourisme et artisanat sont vite complémentaires, ce qui crée de belles occasions de contacts entre clients et petits producteurs locaux.
Au Pérou, Minka (1) a développé une entreprise touristique qui offre aux voyageurs l’opportunité de venir constater de visu les effets du commerce équitable. Cette organisation a tissé un réseau d’artisans à travers tout le pays, les encourageant à perpétuer les traditions artisanales andines, à maintenir les structures traditionnelles de leur culture amérindienne et à contribuer ainsi à freiner l'exode rural. (2) L’introduction du tourisme a apporté aux communautés trois types de revenus : le paiement de services (repas, hébergement, transport, guidance…), la vente directe d’artisanat et les dons émanant de groupes de touristes.
Dans le cadre du tourisme équitable et solidaire, les conditions sont ainsi réunies pour des rencontres riches d’échanges entre des habitants et des touristes qui n’exploitent pas les premiers, mais qui leur fournissent des moyens de vivre dignement. On passe d’un « citoyen en vacances » à un « citoyen du monde en vacances », ou comme le précise encore Marie-Paule Eskénazi du « développement du tourisme » à un « tourisme de développement ».
 
En Belgique francophone, deux associations s’impliquent dans cet autre type de tourisme
L’asbl Tourisme autrement est née en octobre 2005 d’une réflexion de ses fondateurs sur l’explosion du tourisme et sur les dégâts qu’elle entraîne sur le climat, l’environnement, les relations sociales et économiques dans les pays d’accueil, tout en constant les importantes retombées financières, mais rapatriées vers les multinationales du tourisme. L’asbl valorise les initiatives positives et a organisé, de 2006 à 2011, le Salon du tourisme durable. Elle propose depuis mai 2010 une nouvelle forme de tourisme participatif, les Greeters de Belgique, où le tourisme devient source d’échanges multiculturels et enrichissants pour les visiteurs et les habitants. Les Greeters.be, habitants de villes belges, accueillent les touristes pour partager avec eux "leur" ville en dehors des sentiers battus, le temps d’une rencontre authentique et gratuite.
 
Située au coeur du Jardin Botanique de Liège, la plateforme Altervoyages regroupe des associations - dont Eco-Bénin, Emotion Planet, Identité Amérique Indienne, Tamadia, MATM, Café Chorti,…- qui proposent des voyages d’échanges interculturels avec leurs partenaires du Sud. Altervoyages a pour mission la promotion des voyages organisés par ses membres ainsi que la sensibilisation des citoyens à l’importance de voyager de manière responsable, avec l’esprit ouvert et critique.
 
 
1. Organisation péruvienne de commerce équitable www.minkafairtrade.com  
2. Oxfam-Magasins du monde.
 
Crédit photo : CTB-Thomas Mels 2009

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