Multiplication des labels et image brouillée
C’est indubitable, l’émergence du commerce équitable local fait apparaître de nouveaux labels comme Prix Juste Producteur en Belgique, Bio Equitable ou Agri-Ethique en France, et amène certains labels comme Biogarantie à se positionner sur ce créneau. Le tout dans un contexte où le commerce équitable « classique » Sud-Nord en compte déjà plusieurs (Fairtrade, Fair for Life, Symbole des petits producteurs, WFTO, etc.) et où les consommateurs affirment qu’il y a trop de labels, qu’il est difficile de s’y retrouver.
Cette multiplicité des labels a pour corollaire une plus grande variabilité, une plus grande diversité des critères. En devenant universelle, l’image du commerce équitable va donc aussi se brouiller, devenir moins lisible. Par contre, et ce n’est pas à négliger lorsque l’on envisage le futur du commerce équitable, quand dans sa communication ce dernier se lie avec ou se considère comme complémentaire de la démarche d’achat de produits locaux, on remarque un regain d’intérêt de la presse et des consommateurs pour ce type de commerce.
La nécessité d’une législation ?
La France est le seul pays européen à avoir adopté une législation décrivant et reconnaissant la notion de « commerce équitable », et à l’avoir élargie en mai 2014 aux relations Nord-Nord. Une telle législation au sein de l’Union européenne permettrait de clarifier les choses, de sortir du flou autour de « qui fait réellement du commerce équitable et qui n’en fait pas ? » et ainsi se doter d’un cadre permettant à de nouveaux acteurs de se lancer de manière un peu plus sécurisée dans ce type de commerce. Cela permettrait aussi au consommateur de distinguer les produits issus ou non du commerce équitable et de servir de référence aux pouvoirs publics désireux de les favoriser dans le cadre d’appels au marché.
La prise en compte du bien-être animal ?
Le lait équitable a
fait rentrer un produit issu du monde animal dans le champ de ce commerce
solidaire, ce qui à terme obligera les organisations de commerce équitable à
détailler des critères relatifs au bien-être animal. Oxfam Fair Trade prévoit
déjà dans son cadre pour les partenariats avec des producteurs du Nord
que : « Le partenaire respecte les droits des animaux. » Mais
qu’en sera-t-il quand les premiers morceaux de viande « équitables »
seront proposés en grandes surfaces ? Quel sera alors la nature du débat
entre les tenants du commerce équitable, du végétarisme ou du véganisme ?
La cohabitation des produits « Sud » et des produits « Nord »
Les produits équitables locaux viendront-ils concurrencer les produits équitables provenant habituellement des pays du Sud. C’est ce risque qui avait jusqu’à présent poussé les réseaux de producteurs Fairtrade à ne pas ouvrir la plus connue des labellisations du commerce équitable aux produits du Nord.
Pour des produits comme le café, le cacao, la question ne se pose pas puisque ces produits ne peuvent être cultivés qu’en zones tropicales. Mais pour les fleurs, le vin, le miel ou certains jus de fruits ? Pour le miel, l’offre européenne est inférieure à la demande. Donc tant qu’à faire venir le miel d’ailleurs, autant qu’il soit équitable. Pour le vin et les jus de fruits, typicités organoleptiques et goûts liés aux terroirs mis à part, les bilans carbone et l’empreinte écologique des produits provenant de différents zones géographiques sont à considérer. Il s’agit là d’un débat bien trop vaste pour être développé ici, d’autant que les modes de productions sont aussi à prendre en considération. Un produit bio issu de l’agroécologie provenant du Sud et transporté par bateau (voire par voilier cargo) pourrait avoir une empreinte écologique moindre qu’un produit venant d’Espagne issu de l’agriculture industrielle.
Concrètement, la « cohabitation » ne semble pour l’instant pas poser trop de problèmes. A part le remplacement d’un jus de pomme chilien par un jus de pommes belge, Oxfam-Magasins du monde, par exemple, distribue des produits « Nord » complémentaires à sa gamme originelle.
Et rêvons un peu, à long terme, le développement parallèle du commerce équitable local dans les pays du Sud pourrait absorber une partie des produits qui ne pourraient plus être commercialisés via la grande exportation.
Consultez l'étude "Le commerce local belge et européen", Samuel Poos & all, Trade for Development Centre, Enabel.
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