mercredi 3 septembre 2014

ALDIANAWO "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal"

La société civile sénégalaise se distingue par le nombre et l'importance des organisations (associations, mouvements sociaux, ONG, etc.) qui s'impliquent dans le développement économique et social du pays, et tout particulièrement dans la sphère paysanne. Héritage de l'histoire, ce dynamisme du troisième secteur sénégalais a longtemps souffert d'un manque de coordination des différents intervenants qui, pendant longtemps, n'ont pas su adopter des positions communes dans leurs relations avec les institutions internationales.

Les choses évoluent considérablement depuis le milieu des années 2000, à l'occasion en particulier de la IIIème Rencontre Internationale sur la Globalisation de la Solidarité organisée à Dakar en novembre 2005. Avec pour ambition de donner l'occasion à "l’Afrique de partager sa vision de l’Économie Sociale et Solidaire"[1], cet évènement a marqué une étape importante pour les organisations sénégalaises qui se sont structurées au niveau national et se sont montrées plus présentes au sein des organisations de coopération et de coordination internationale.

"Pour l’Afrique et particulièrement pour le Sénégal, la voie offerte par le commerce équitable est la réponse adéquate à la réussite des projets visant à développer l’artisanat local mais aussi l’agriculture et par conséquent le commerce intérieur". Alioune Diouf, Directeur du Commerce intérieur du Sénégal [2]
Ces rencontres des acteurs africains de l'économie solidaire ont réellement permis aux organisations continentales (associations, producteurs, ONG, etc.) de donner leur vision du commerce équitable et de ses enjeux pour le continent.

C'est aussi dans ce cadre que fut lancé en 2005 le projet "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal" (rebaptisé Aldiawano en 2011 qui signifie  "paradis" en wolof) porté par Enda Tiers Monde et les autres organisations du commerce équitable, avec le soutien du Ministère français des Affaires étrangères et européennes.

Les raisons d'être de ce projet s'inscrivent clairement dans la volonté des acteurs sénégalais et africains de s'approprier le concept de commerce équitable en pointant l'inadéquation des systèmes existants avec les réalités africaines, ainsi que l'expliquent les représentants d'Enda : "Au Sud, et notamment en Afrique, le commerce équitable reste mal connu, non seulement des producteurs, mais aussi des pouvoirs publics, alors qu’il est sensé offrir 'de meilleures conditions commerciales en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés'. Tel est le paradoxe relevé par une grande variété d’acteurs nationaux (associations, fédérations, GIE, ONG, pouvoirs publics) impliqués -en compagnie d’Enda et de la coopérative conseil Tukki-, dans la démarche visant à «développer des pratiques de commerce équitable au Sénégal». Les échanges qui ont eu lieu au cours des deux dernières années entre la quarantaine d’acteurs réunis au sein de cette dynamique nationale permettent de penser que les systèmes actuels de certification excluent de fait les petits producteurs les plus démunis. En effet, les producteurs impliqués dans des démarches de commerce équitable, qui s’inscrivent principalement dans des démarches Sud/Nord, doivent faire face à des coûts de certification élevés, et avoir la capacité de répondre aux exigences liées au respect des procédures de certification" (3).

Prés d’un an et demi de travail furent nécessaires pour mener à bien les premières phases de ce projet qui ont abouti à l'élaboration d'une Plateforme des Valeurs et d'une Charte d’Engagement au commerce équitable qui furent officiellement présentées lors du Forum Social Mondial de Nairobi au Kenya en janvier 2007 et du Forum Social Mondial de Dakar en 2011.

La Plateforme des valeurs permet de mieux cerner les valeurs du commerce équitable telles qu’elles sont envisagées au Sénégal. Elle traite de questions sociales, environnementales, économiques et éthiques, et explicite les notions de prix juste, de travail des enfants, de prime au développement, la question de genre.

La Charte d’engagement au commerce équitable vise à promouvoir les valeurs locales africaines dans et par le commerce équitable. Conçue comme un outil devant permettre de promouvoir la justice, elle comprend un engagement pour le commerce équitable, une base éthique, un engagement social, un engagement pour l’environnement et des pratiques économiques (4) .
Ces documents fondateurs furent validés par l'ensemble des acteurs du commerce équitable réunis à Ndayane en janvier 2008.


Une démarche concrète, opérationnelle et participative

Une fois cette validation collective menée à bien, fut lancée la seconde phase du projet avec pour objectif ultime l'élaboration d'un système local de certification équitable
La méthode adoptée pour mener à bien cet ambitieux chantier illustre la maturité des organisations sénégalaises impliquées. En effet, les partenaires impliqués se sont appuyés sur "la mise en œuvre de projets pilotes de production dans quatre grappes d’activités (coton/textile ; agroalimentaire ; métiers du feu/recyclage ; plantes médicinales). (Cette deuxième étape) consistera à initier un travail pour la définition d’un cahier des charges dans le cadre de ces quatre projets pilotes de production, et à mettre en place un système local de labellisation compatible avec les systèmes internationaux. Le travail des années à venir devrait aboutir à une certification de démarches et d’acteurs présents à toutes les étapes de la production : de la matière première au produit fini par filière, et devrait permettre de rassembler de nouveaux partenaires afin de passer d’une dynamique impliquant un groupe de concertation à la constitution d’une plateforme nationale du commerce équitable" (5) .

Ainsi que l'expliquent les responsables du projet, il s'agit donc d'initier une méthode de travail qui permettra de favoriser une réelle appropriation de ces enjeux par l'ensemble des  intervenants. L'ensemble des données collectées lors des actions expérimentales donnera alors lieu à un travail de capitalisation avec en projet la création d’un Centre de Ressources au service des producteurs, transformateurs et structures d’appui. A terme, ce Centre de Ressources aura vocation à produire les outils nécessaires à l’élaboration d’un système local de garantie (6).

Vers une certification africaine du commerce équitable

L'expérimentation menée par les organisations sénégalaises est d'autant plus ambitieuse qu'elle se veut une contribution importante au projet plus global d'élaboration d'un programme africain de certification du commerce équitable en tant qu'alternative aux systèmes existants conçus et formalisés par les Européens et les Américains.
Pour ce faire, les partenaires du projet "continueront à œuvrer au rapprochement des différents processus développés au Sud pour montrer qu’il serait possible d’instaurer des relations équitables au niveau Sud-Sud et Sud-Nord, et de donner à ces démarches un certain impact en matière de commerce international" (7).

Les avancées de ce projet ont fait l'objet de diverses présentations en Afrique à l'occasion desquelles ont été étudiés "le processus au Sénégal, les acteurs, la méthodologie utilisée pour arriver à l’élaboration d’une charte d’engagement au commerce équitable, les activités menées jusqu’ici, les résultats obtenus et enfin les perspectives sur les plans national et international". Ce fut en outre l'occasion de "montrer que les Africains sont dans une dynamique de repenser le commerce équitable dans sa globalité pour se l’approprier et l’adapter à leurs réalités socio économiques et culturelles"(8).

Interrogé sur la question de la mise en cohérence de l'initiative sénégalaise avec les projets des organisations internationales du commerce équitable, Abdourhamane Gueye, l'un des responsables d'Enda estime qu' "il faut aller plus loin. On repense les bases, on amène les forces et bases qui nous sont propres. Cependant, nous sommes allés voir Fairtrade. Non pas avec des attentes mais avec des propositions" (9).

Le projet "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal" se présente donc comme une contribution importante des acteurs sénégalais à l'élaboration des nouveaux systèmes de certification qui sont en cours d'élaboration par les organisations internationales du commerce équitable. Le Sénégal tient ainsi à affirmer ses positions sur ces questions.

Aujourd'hui, le projet "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal" est dans sa phase de réalisation des initiatives pilotes mis en place dans les quatre secteurs d'activité retenus. Certaines des initiatives de commerce équitable qui participent à ce programme sont présentées dans les pages suivantes. 



Extrait de la brochure du Trade for Development Centre "Le commerce équitable et durable au Sénégal", téléchargeable gratuitement sur le site Web du Trade for Development Centre.


(1) Source : "Le commerce équitable : la parole aux Africains", document du Ministère français des Affaires étrangères et européennes, Juillet 2007
(2) Source : Sidy Dieng, "Plaidoyer pour le commerce équitable : Les acteurs sénégalais mettent au point un programme commun" Jeudi 19 novembre 2009, Walfadjri l'Aurore - www.walf.sn
(3) Dominique Ben Abdallah /Enda Tiers monde, "Une vision africaine du commerce équitable", AGRIDAPE, volume 24, Issue 1- Vers un commerce plus juste,  Avril 2008
(4) Idem.
(5) Idem
(6) Source : "Le commerce équitable : la parole aux Africains", document du Ministère français des Affaires étrangères eteuropéennes, Juillet 2007
(7) Dominique Ben Abdallah /Enda Tiers monde, "Une vision africaine du commerce équitable", AGRIDAPE, volume 24, Issue 1- Vers un commerce plus juste,  Avril 2008
(8) Source : "Le commerce équitable : la parole aux Africains", document du Ministère français des Affaires étrangères et européennes, Juillet 2007
(9) Extrait de la brochure "Le commerce équitable Sud-Sud", téléchargeable gratuitement sur www.befair.be

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