Douloureux souvenirs
Pour en savoir
plus : www.elceibo.org
Nous sommes au milieu des années 1970.
La Bolivie traverse une grave crise économique et sociale liée à la sécheresse
et à la baisse des revenus miniers qui entrainent d'importants mouvements d'exode
rural. Chassés par la faim et la misère, des dizaines de milliers de personnes
quittent les campagnes pour rejoindre les banlieues des grandes villes.
Face à cette situation, le gouvernement
militaire bolivien cherche à développer de nouvelles activités agricoles, en
particulier dans le secteur du cacao, une culture récemment introduite dans le
pays à partir de plants provenant d'Équateur et de Trinidad. Pour ce faire, les
autorités poussent des milliers de familles des communautés amérindiennes des
hauts-plateaux à s'installer dans les vallées et les plaines tropicales de
l'Alto Beni, situées quelque 4000 mètres plus bas, à l'orée de la forêt
amazonienne.
Le choc du transfert est terrible et
nombreux sont ceux qui ne supportent pas ce changement brutal d'environnement et les nouvelles affections et maladies qu'il
entraine. Qui plus est, les financements et le soutien technique promis par le
gouvernement n'arrivent jamais et demeurent lettres mortes. Pourtant, certaines
familles décident de rester et d'exploiter les parcelles qui leur ont été
accordées en s'organisant en communautés villageoises sur le modèle de celles
qu'elles ont quittées.
En 1977, quatre d'entre elles décident
de se regrouper pour trouver des alternatives aux pratiques commerciales des
intermédiaires qui les exploitent et pour mieux commercialiser leur production
de cacao.
Ensemble, elles créent la fédération
de coopératives El Ceibo (nom symbolique qui signifie "l'arbre qui ne meurt jamais")1.
La voie du succès
Depuis sa création, la fédération El
Ceibo enchaîne les succès et les innovations réussies. Peu de temps après avoir
brisé le monopole des intermédiaires locaux peu scrupuleux, l'organisation
centrale décide de se doter de ses propres installations de transformation pour
accroître la valeur ajoutée de sa production et ne pas se limiter à la culture
et à la vente des graines brutes. Quelques années plus tard, en 1986, la
fédération investit même dans une petite usine (certifiée ISO 9002 et ISO 14
001) à El Alto, dans les faubourgs de la capitale, La Paz, et devient ainsi la
première coopérative de producteurs boliviens à fabriquer et à commercialiser
(y compris à l'export) des produits finis à base de cacao.
Premier sur le
bio et champion de l'équitable
En matière de certification aussi, la fédération El
Ceibo fait figure de pionnière. En effet, dans la foulée de ces investissements
productifs, les coopératives membres prennent conscience du potentiel
économique lié à la commercialisation de produits certifiés. Et, en 1988, après
des mois de travail, la fédération obtient sa certification biologique et
commence à engranger les bénéfices de ses investissements. Cette expertise
acquise dans le domaine de la production agricole biologique va permettre de
positionner la fédération El Ceibo parmi les organisations les plus avancées du
secteur. C'est donc à ce titre qu'elle participe à la création en 1991 d'AOPEB,
l'Association des
Organisations de Producteurs Biologiques de Bolivie.
Forte de ces succès, la fédération de coopératives
poursuit son développement et fait l'acquisition en 1995 d'un nouveau site
industriel équipé des machines les plus modernes. Et, quelque temps plus tard,
en 1998, l'organisation de producteurs obtient sa certification Fairtrade
(décernée par Flo-Cert) pour l'essentiel de sa production. Aujourd'hui, plus de
90 % de la production exportée est commercialisée dans le cadre des filières
équitables2.
De l'intérêt
d'être certifié
Fidèle aux principes et règles du commerce équitable,
la fédération El Ceibo est administrée par un collège de représentants élus par
les coopératives locales. Ils ont notamment pour tâches de piloter les
activités de la centaine de salariés qui apportent une assistance technique et
administrative aux communautés paysannes du réseau. Ce soutien opérationnel des
équipes d'El Ceibo porte sur les questions agricoles biologiques (entretien des
pépinières, valorisation des sols, etc.) mais elle comprend aussi des
formations en gestion, comptabilité, contrôle qualité et un appui technique
pour préparer la transformation de la matière première.
Le fait d'être certifié (et a fortiori d'être
doublement certifié, bio et équitable) présente énormément d'intérêt pour les
communautés paysannes qui constituent la fédération El Ceibo. D'un point de vue
économique, cette situation assure en effet à ces producteurs des prix d'achat
garantis et des engagements de commande sur la durée, ce qui contribue à la
stabilisation et à la croissance maîtrisée de leurs activités, a fortiori dans
un secteur agricole (le cacao) traditionnellement soumis à des variations de
cours qui peuvent être brutales et inattendues. La fédération, qui a en outre
réussi le pari du contrôle intégré de la production-commercialisation, achète
ainsi aux coopératives membres les fruits de leurs récoltes au meilleur prix
(fixé à l'avance), traite cette production et en revend l'essentiel aux
importateurs du commerce équitable (Alter Eco, par exemple) qui, en plus,
contribuent au développement de la fédération par le biais des primes spéciales
équitables.
Jusqu'ici, ces ressources ont été utilisées pour soutenir les investissements
productifs réalisés par la fédération (l'outil industriel) mais aussi pour la
réalisation de programmes sociaux, communautaires et environnementaux. L'organisation
fournit notamment une couverture sociale à ses quelque 1200 familles membres
(maladies, accidents et vieillesse) et gère des programmes de bourse pour
financer les études des collégiens des communautés. Enfin, au niveau
environnemental, El Ceibo développe des projets de diversification des cultures
et contribue ainsi à la conservation de la biodiversité et du patrimoine
agricole de la région tout en sécurisant les revenus des petits paysans (en
particulier des femmes) qui commercialisent ces nouveaux produits (agrumes, bananes - cultivés en culture mixte
avec le cacao) sur les marchés locaux.
Le temps a passé depuis l'époque
cauchemardesque des migrations forcées, des maladies et de la misère. Les
paysans amérindiens de la fédération El Ceibo ont su contribuer au bien-être de
leurs communautés en faisant des choix judicieux à chaque étape de leur
développement.
Indubitablement, l'engagement
équitable et biologique fait partie de ces très bonnes idées.
Texte : Dan Azria. Extrait de la prochure « Commerce
équitable, commerce durable et production biologique en Bolivie », une
publication du Trade for Development Centre téléchargeable
gratuitement ou consultable
en ligne.
1. Source : www.oxfammagasinsdumonde.be/bolivie/el-ceibo.html
2. Source : http://artisansdumonderouen.org/bolivie-el-ceibo/
Crédits photos :
- Estanilao, producteur El Ceibo. Crédit : Alter Eco
- Damian, producteur El Ceibo - Crédit : Alter Eco
- Cosses de cacao - Didier Gentilhomme
2. Source : http://artisansdumonderouen.org/bolivie-el-ceibo/
Crédits photos :
- Estanilao, producteur El Ceibo. Crédit : Alter Eco
- Damian, producteur El Ceibo - Crédit : Alter Eco
- Cosses de cacao - Didier Gentilhomme
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