jeudi 4 juillet 2019

Côte d'Ivoire et Ghana tentent d'imposer un prix minimum pour le cacao

Le 12 juin dernier, la Côte d'Ivoire et le Ghana, les deux premiers producteurs mondiaux, annonçaient la suspension de leurs ventes de cacao qui sera récolté lors de la campagne 2020-2021. Une mesure avec pour objectif d'obtenir un prix minimum de 2 600 dollars la tonne.

Un problème structurel  
Il y a en effet, pour Michel Arrion, directeur exécutif de l'Organisation internationale du cacao (ICCO) : « un problème structurel que l'on retrouve dans d'autres produits de base tels que le café ou le coton. Tous les acteurs de la chaîne y gagnent sauf les petits producteurs ». Des 100 milliards de dollars que représente le marché mondial du cacao, les producteurs n'en perçoivent aujourd'hui que 6%, contre 16% dans les années 80. Pour Michel Arrion, fixer un prix minimum « va dans le bon sens »*. Il s'attendait d'ailleurs à un prix autour des 3000 dollars.

Des prix mondiaux et Fairtrade autour de 2 400 dollars la tonne
Le prix d'une tonne de cacao sur le marché de Londres tourne autour de 2 400 dollars la tonne. A titre de comparaison, le prix minimum Fairtrade pour le cacao passera en octobre de 2 000 dollars la tonne à 2 400 dollars. Une prime de développement de 240 dollars viendra compléter ce prix minimum.

Un échec momentané
C'est la première fois que les deux principaux pays producteurs de cacao décident conjointement d’un prix plancher. 
Représentant près des 2/3 de la production mondiale de cacao, ils veulent instaurer un rapport de force avec les industriels de la filière. Ils les ont d'ailleurs réunis à Abidjan le 3 juillet pour  déterminer la mise en oeuvre concrète de la mesure. La réunion fut un échec. Elle s'est terminée sans consensus entre le Conseil café cacao ivoirien (CCC), le Ghana Cocoboard (Cocobod) et les négociants et les groupes chocolatiers internationaux.

A l'issue de la réunion, le Ghana et la Côte d'Ivoire ont toutefois annoncé l'inclusion dans les contrats d'exportation d'une clause de "différentiel de revenu de subsistance" de l'ordre de 400 dollars la tonne, qui entrera en vigueur
si le cours mondial  n’atteint pas les 2 600 dollarsCela représente environ et au maximum 200 Francs garantis par kilo, en plus du prix défini par le cours au cacaoculteur.

D'autres réunions devraient être convoquées avec les opérateurs de la filière pour tenter de trouver un terrain d'entente.

Un risque de surproduction
Rapidement surnommé «cocoa-pec» par analogie avec l'OPEP établi par les pays producteurs de pétrole, le plan des deux voisins d'Afrique de l'Ouest risque, selon observateurs, de stimuler fortement la production, en particulier en Côte d’Ivoire, entraînant une forte baisse des prix.

Contrôler la production pour maintenir le prix minimum
C'est notamment pour tenter mieux contrôler cette production et soutenir le prix minimum de 2600 dollars, que la Côte d'Ivoire envisage d'éliminer la production illégale de cacao dans les parcs nationaux et les réserves forestières au cours des cinq prochaines années. Une opération à haut risque. Deux précédentes opérations d'expulsions, en 2013 et 2016, ont été critiquées par des groupes de défense des droits humains car elles ont "placé des familles d'agriculteurs dans une situation où elles n'ont ni abri adéquat, ni nourriture, ni accès à l'éducation, et Human Rights Watch a documenté des cas d’extorsion de fonds, de corruption et de sévices physiques commis par des agents du gouvernement"**


* Cité par Agnès Faivre, Cacao : la Côte d'Ivoire et le Ghana passent à l'attaque, Le Point, 2 juillet 2019.
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Human Rights Watch,  Côte d'Ivoire: Lettre concernant l'impact sur les droits humains de la déclaration de politique de préservation et de réhabilitation des forêts.

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