lundi 16 décembre 2013

Le commerce équitable du coton et du textile au Sénégal

Des enjeux très importants

Cultivé dans plus de 100 pays sur environ 2,5% des terres arables de la planète, le coton est l'une des cultures de base les plus répandues dans le monde. Il fournit emplois et revenus à des centaines de millions de personnes à travers le monde.
En tant que culture de rente, la production du coton a des effets très directs sur la sécurité alimentaire des populations, en particulier en Afrique francophone. Intégré dans les systèmes de production traditionnels, il contribue à leur modernisation et à la réalisation d'investissements productifs (achat de bovins et de matériel agricole, diffusion de fumure organique) dont profitent les cultures venant après le coton (généralement des céréales).
Or, depuis les années 1980, le commerce international du coton connaît une crise importante qui affecte en particulier les producteurs des pays en développement. Les causes de cette déstructuration du marché mondial sont liées pour l'essentiel aux politiques de soutien mises en place dans les pays industrialisés (en particulier aux Etats-Unis, en Europe et en Chine). Leurs producteurs subventionnés peuvent ainsi proposer des prix inférieurs à ceux de leurs concurrents des pays du Sud (pourtant très compétitifs (1). Aux problèmes que posent ces pratiques injustes des pays industrialisés (qui feraient perdre près de 200 millions d'euros par an aux producteurs africain (2)) s'ajoutent la concurrence des textiles synthétiques et le déséquilibre monétaire qui affaiblit les exportations de nombreux pays africains souffrant de la faiblesse du dollar par rapport à l'euro auquel est rattaché le Franc CFA (3).
Cette crise est d'une importance majeure pour les producteurs de nombreux pays en développement, en particulier en Afrique de l'Ouest (Sénégal, Mali, Cameroun et Burkina Faso). De fait, la baisse des cours (de près de 60% entre 1981 et 2001(4) a affecté des millions d'exploitations familiales avec des conséquences dramatiques sur le niveau de vie des populations.
Au Sénégal, ce sont près de 500 000 personnes qui vivent de la production et du commerce de coton.

Le coton équitable du Sénégal

En réponse à cette crise et aux menaces qu'elle fait peser sur des millions de familles en Afrique de l'Ouest, les organisations du commerce équitable ont initié dès 2003 la mise en place d'une filière coton équitable dans la région.
Il s'agissait non seulement de proposer une réponse économique innovante et crédible aux problèmes posés par la crise du coton, mais aussi de lutter contre les dommages environnementaux et sanitaires causés par cette culture qui "endosse le triste record de nocivité pour l’environnement et les cultivateurs à cause des produits chimiques qu’elle nécessite " (5). La culture du coton utilise 24% des pesticides vendus dans le monde pour seulement 2,5% de la surface agricole mondiale. Or, des études approfondies sur les effets de ces pesticides ont montré "que l’accumulation des oganochlorés dans les graisses est responsable de diverses maladies : cancers, infertilité, diabète, problèmes neurologiques"(6).
Au Sénégal, c'est à Koussanar, dans la région de Tambacounda au centre du pays, qu'ont été lancées dès les années 1990 les premières expérimentations en matière de production de coton biologique. C'est donc vers les producteurs de cette région que l'organisation Enda Pronat s'est tournée pour mettre en place le projet-pilote "coton/textile" mené dans le cadre du programme "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal".

 

Le projet pilote "coton/textile" équitable

"Au Sénégal, tout a commencé avec les producteurs de coton qui en avaient assez d'exporter seulement leur matière première. Ils se sont réunis avec d'autres sénégalais pour réinventer un commerce plus équitable. Ensemble, ils ont créé la première filière textile coton bio-équitable 100% sénégalaise" (7).
Jusqu'en 2008, l'essentiel du coton sénégalais certifié était exporté sous forme brute pour être transformé ailleurs. Le bénéfice de la certification équitable et biologique se limitait alors à la culture du coton brut tandis que la valeur-ajoutée liée à la fabrication de produits finis équitables et biologiques revenait aux entreprises de transformation et de commercialisation situés à l'étranger, en Europe en particulier (8).
Initié par Enda Pronat dans le cadre du programme "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal", le projet-pilote "coton/textile" vise non seulement à soutenir la culture de coton équitable et biologique mais aussi à développer une filière de production de produits finis qui doit permettre aux producteurs locaux de tirer profit des bénéfices (et des revenus) des étapes de production à haute valeur-ajoutée que sont la transformation du coton en fibres textiles et la fabrication de produits finis prêts à être commercialisés. Par ailleurs, le projet doit contribuer à la sensibilisation des populations aux bénéfices du commerce équitable et durable tout en permettant l'élaboration et la structuration d'une filière de production intégrée. L'étude de celle-ci donnera lieu à la formalisation de procédures susceptibles de répondre aux objectifs du programme "Développer des pratiques du commerce équitable au Sénégal".

Les processus mis en place dans le cadre du projet sont les suivants (9) :
  • Le coton est cultivé par les producteurs de Koussanar dans le respect des règles de l'agriculture biologique et du commerce équitable
  • Après la récolte, l'égrenage (élimination des graines) est effectuée par la SODEFITEX, la société cotonnière qui gère l’ensemble du processus de traitement et de commercialisation du coton sénégalais.
  • La fibre de coton est ensuite filée par les femmes dans les villages pour produire des pelotes qui seront ensuite tissées en étroites bandes de tissus
  • Pour teindre les tissus, les femmes utilisent de l'indigo naturel également produit par la Fédération Yakaar Niani Wulli.
  • Les bandes de tissus beiges ou indigos sont cousues à la main ou à la machine pour fabriquer  des couvertures, des housses de coussin ou des accessoires. Les ototypes sont réalisés à Dakar en collaboration avec les tailleurs locaux puis la production en quantité est réalisée à Koussanar.
  • Les revenus pour chaque maillon de  la chaîne sont répartis pour répondre aux principes du commerce équitable.
  • Les produits finis sont alors clairement étiquetés "fait main", biologiques, équitables et teints à partir de colorants naturels de manière à rendre les bienfaits sociaux et environnementaux de cette production explicites pour le consommateur.
Initié par Enda Pronat, ce projet associe en tant que partenaires la Fédération Yakaar Niani Wulli et l'entreprise CSM SARL.



Extrait de la brochure du Trade for Development Centre "Le commerce équitable et durable au Sénégal", téléchargeable gratuitement sur le site Web du Trade for Development Centre.


 

1. Source : " Questions / Réponses - Le coton certifié Max Havelaar" disponible sur www.maxhavelaarfrance.org
2. Juliette Jowit, "Cotton subsidies costing west African farmers £155m a year, report reveals", The Gardian, 15 novembre 2010
3. Source : " Questions / Réponses - Le coton certifié Max Havelaar" disponible sur www.maxhavelaarfrance.org
4. Idem.
5. Source : www.ekieko.eu/projetcoton.htm
6. Source : www.enda.sn/koussanar.html
7. http://ynw.jarinio.sn
8. Source : http://lizcooper.blogspot.com
9. Idem.

Photo : Producteur de coton équitable.  Crédit :  Frederic Raevens / Max Havelaar

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