Le
commerce équitable connaît un succès croissant auprès du public,
résultat de 30 ans de sensibilisation. Acte militant au départ, l'achat
équitable s'est développé en volume depuis l'arrivée des produits en
grande distribution. Tout comme les organisations de consommateurs, les
acheteurs de ces produits ont généralement un préjugé très favorable
envers les allégations communiquées par les organisations de commerce
équitable. Mais suite à l'arrivée de produits nouveaux et au
développement des volumes de vente, on remarque une position plus
exigeante, voire plus critique.
En
outre, le risque est réel de voir nombre d’acteurs sur le marché
utiliser le vocable « commerce équitable » uniquement dans le but de
faire plus de profit et sans en respecter les conditions minimales
d’exercice, les critères fondamentaux. Les dérives sont possibles parce
que le commerce équitable ne dispose pas de définition juridique et
donc de reconnaissance légale en tant que telle. N’importe qui peut
affirmer pratiquer un commerce équitable sans en respecter les règles et
sans être poursuivi. Le seul risque encouru est de se voir dénoncer
publiquement par les organisations du secteur. Le modèle du commerce
équitable doit donc gérer sa très bonne réputation et les usurpations
liées à celle-ci. Le commerce équitable passe progressivement de la
sphère de l’innovation et du contrat de confiance à la sphère du marché
et de la concurrence.
« Il
semblerait que l’on se retrouve, dans le cas du commerce équitable,
dans une situation similaire à celle du bio, qui dans les années 1980, a
connu la multiplication des labels, sans garantie apportée par les
pouvoirs publics. En l’absence de l’intervention des pouvoirs publics,
c’est le label qui communiquera le mieux qui aura les faveurs des
consommateurs-trices ».[1]
Définir
clairement, et légalement, les contours de cette pratique commerciale,
faire en sorte qu’elle soit contrôlée d’une manière ou d’une autre par
les pouvoirs publics devient essentiel.
Une reconnaissance légale ainsi qu’un contrôle du commerce équitable par les pouvoirs publics permettraient :
- de sortir du flou actuel, apaiser les conflits autour de « qui fait réellement du commerce équitable et qui n’en fait pas ? », et ainsi se doter d’un cadre clair permettant à de nouveaux acteurs de se lancer de manière un peu plus « sécurisée », « dépassionnée » dans ce type de commerce ; [2]
- d’aider le consommateur à distinguer les produits issus ou non du commerce équitable ;
- de servir de référence lorsqu’un pouvoir public voudra imposer des conditions relatives au commerce équitable dans le cadre d’un appel au marché ;
- aux pouvoirs publics de développer de nouveaux instruments d'appui au commerce équitable. Le manque de définition juridique prive en effet les pouvoirs publics d’une base légale pour soutenir quiconque pratique sérieusement ce type de commerce, si ce n’est des ONGs, comme OXFAM-Magasins du monde, Max Havelaar ou Miel Maya, officiellement agréées par la Coopération belge au développement.
« Le
défi du choix de cette reconnaissance sera de trouver la procédure qui
offre les avantages de la protection juridique et politique sans toucher
à l'intégrité de la philosophie et des critères du commerce
équitable. »[3]
La CNUCED en faveur d’une législation claire sur le commerce équitable
Dans un document du mois de novembre 2006 dernier, intitulé "Moyens
d'aider les petits producteurs et transformateurs de produits de base
dans les pays en développement à accéder aux marchés mondiaux"[4], la CNUCED, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement traite du commerce équitable : " Le
commerce équitable représente un moyen intéressant et de plus en plus
fréquent pour les pays en développement de diversifier leurs
exportations. Toutefois, ce serait une erreur de le considérer comme la
panacée. De fait, le commerce équitable, comme les autres alternatives
au commerce traditionnel, souffre de l'absence d'une législation
internationale claire, concertée et généralement reconnue et de la
prolifération des règles, qui varient souvent en fonction des
partenaires commerciaux, des organismes de certification, des sociétés
et des chaînes de supermarchés. Même si les critères de base restent les
mêmes, la satisfaction des exigences imposées par un partenaire ne
signifie pas forcément que le produit répondra aux exigences des autres.
Cette hétérogénéité a créé une profonde asymétrie de l'information pour
le producteur, mais aussi pour les consommateurs qui peuvent avoir du
mal à comprendre les subtilités des différents programmes de
certification".
Quelques questions et enjeux
Une reconnaissance légale pose néanmoins quelques questions… :
- Faut-il reconnaître la transaction de commerce équitable ou les différents acteurs ?
- Faut-il accréditer, certifier ou octroyer un simple agrément ?
- Le système mis en place doit-il être obligatoire ou volontaire ?
- Quel système de sanction si les règles ne sont pas respectées ?
- Quel serait le coût, notamment pour les producteurs ?
… et quelques enjeux
- Eviter l’exclusivité, permettre la concurrence des systèmes de certification
- Transcrire techniquement les critères (qu’est-ce qu’un producteur marginalisé ? Un salaire minimum vital ? …)
- Eviter le flou entre :
- les conditions d’éligibilité des personnes morales candidates à la reconnaissance
- les critères devant servir au contrôle des organisations, des acteurs du commerce équitable[5]
Une piste pour une reconnaissance officielle en Belgique
La piste privilégiée par le Trade for Development Centre est la reconnaissance des organismes en charge de la certification des acteurs/opérateurs du commerce équitable, via une accréditation et un agrément par les pouvoirs publics.
Une accréditation concernerait la forme : capacité à certifier, existence d’un système de plainte. En Belgique, les accréditations se font par BELAC (norme EN45011 ou IS0 65)
L’agrément concernerait le fond : compétence, connaissance pour réaliser le contrôle sur base d’un cahier des charges « commerce équitable ».
L’agrément serait octroyé par le Ministre en charge des affaires économiques, sur avis d’une commission composée de représentants d’ONGs, de ministres, d’acteurs de commerce équitable,...
Une réglementation nationale (modifiée en fonction d’une réglementation européenne éventuelle) fixerait les conditions minimales en matière de commerce équitable.
Les documents suivants pourraient servir de référence :
- La Définition internationale du mouvement du commerce équitable (définition FINE)
- Les critères minimaux du commerce équitable définis par le Parlement européen (Rapport sur le commerce équitable et le développement - 2005/2245(INI))
- La définition commune aux principaux acteurs belges du secteur.
Idéalement,
tout comme pour le « bio », tout opérateur qui, dans le cadre d’une
activité commerciale, produirait, préparerait ou importerait des
produits se référant au mode de production et de commercialisation
équitable devrait se soumettre à un régime spécifique de contrôle mis en
place par les Etats membres de l’Union européenne. Ce régime de
contrôle faisant l’objet de dispositions détaillées minimales, reprises
dans un règlement de l’UE.
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