samedi 15 septembre 2012

Commerce équitable et zones de conflit : Tropical Wholefoods en Afghanistan

L’Afghanistan est en guerre depuis bientôt quarante ans. Dans ces conditions d'extrême insécurité, les organisations internationales et les ONG se consacrent essentiellement aux questions humanitaires.
Ceci étant, des projets de commerce équitable ou durable voient le jour, initiés par des
opérateurs courageux.
Avant l'invasion soviétique de 1979, le raisin d'Afghanistan avait la réputation d'être le meilleur du monde. Les violences qui ont embrasé le pays depuis avaient quasiment mis fin à cette activité.
 

Tropical Wholefoods, une société de vente de fruits équitables fondée en 1980 en Ouganda par Kate Sebag et Adam Brett, a lancé un projet de commercialisation équitable des raisins afghans, en collaboration avec Mercy Corps, l'ONG écossaise qui s'est spécialisée dans l'aide aux populations les plus touchées par les violences et les catastrophes naturelles.
L'aventure afghane de Tropical Wholefoods commence en 2005, alors que les Talibans commencent à reprendre du terrain après les offensives de l'OTAN.
 
Responsable de Fullwell Mill, la société labélisée équitable et biologique qui gère l'emballage des produits de Tropical Wholefoods, Richard Friend est un ami d'Adam Brett. Il raconte ses premières visites à Kandahar, au Sud du pays, pour étudier les perspectives d'achat de raisins : «Lors de nos premières visites, en 2006, nous avons effectivement identifié des groupes de producteurs avec lesquels nous aurions pu travailler ainsi que deux ou trois sites de production. Nous avons pu expérimenter le traitement de dix tonnes de raisins de Kandahar. Mais les conditions de sécurité étaient vraiment trop tendues : nous n'étions pas autorisés à faire ce que les gens d'ici ne faisaient pas, comme porter des lunettes de soleil ou mettre nos ceintures de sécurité dans les véhicules. Il n'y avait pas de ces 4x4 qu'utilisent les ONG et nous restions cantonnés dans le campement de Mercy Corps qui était entouré d'énormes sacs de sable»1.
 
Aussi prometteurs qu'ils aient été, ces premiers contacts ont surtout mis en évidence l'importance des obstacles à surmonter, ainsi que le souligne Richard Friend : «Nous n'avions pris aucun engagement, mais nous avons rencontré les agriculteurs et même élaboré une première série de plans d'urgence comme, par exemple, chercher des terrains où nous pourrions travailler hors des zones de sécurité si la situation devenait trop critique. Mais c’est devenu encore pire que ce à quoi je m’attendais, alors nous n’avons même pas pu faire cela. Kandahar est une zone de production du pavot (…). Alors, oui, c’était frustrant, car cela aurait pu être l’occasion de mettre en place une véritable alternative à la culture d’opium»2.

 
Kate Sebag, Adam Brett et leurs amis ne renoncent pas et décident de développer leurs projets sur des territoires afghans moins exposés, dans les plaines de Shomali au nord de Kaboul.
 
Avec l'aide des équipes de Mercy Corps, ils consacrent plusieurs années à améliorer les techniques agricoles dans les villages et à rénover un site de séchage des fruits frais. Cela ne fut pas facile, ainsi que le rapporte Richard Friend : «La propriétaire de l'usine de séchage a d'abord dû la récupérer auprès d'un chef de guerre local. Il y avait encore des vieux mortiers et des obus tout autour»3.
 
Progressivement, la filière de production est mise en place dans le respect des principes du commerce équitable et les premiers lots sont livrés en Grande-Bretagne où ils sont commercialisés par Tropical Wholefoods. «Nous avons importé 70 tonnes de raisins au printemps» raconte Adam Brett, «mais si nous pouvions le faire certifier FairTrade, ce pourrait être un millier de tonnes par an. Le marché du raisin est très important. Aujourd'hui, en Grande-Bretagne, ce sont près de 100 000 tonnes qui sont importées chaque année et près de 600 000 dans l'Union Européenne. (...)

Avec les volumes qui pourraient être produits en Afghanistan, nous pourrions voir des communautés et des villages entiers devenir autosuffisants et capables de construire eux-mêmes leurs écoles et leurs infrastructures»4.

Les enjeux sont donc très importants pour le développement du pays et pour l'amélioration des conditions de vie des populations afghanes, mais, une fois encore, le principal problème qui se pose pour réaliser ces projets concerne la certification elle-même.

Finalement, une solution semble sur le point d'être trouvée. En effet, bien que les personnes chargées du contrôle ne puissent toujours pas se rendre sur place, à cause de l'insécurité du pays, la Fondation Fair Trade a accordé à Tropical Wholefoods une exemption qui lui permet d'afficher le précieux logo sur le délicieux raisin d'Afghanistan5.

 
Pour en savoir plus : www.tropicalwholefoods.co.uk
Crédits photos : Tropical Wholefoods

Texte : Dan Azria. Extrait de la brochure du Trade for Development Centre : "Le commerce équitable en zones de conflit", téléchargeable gratuitement ou consultable en ligne sur issuu.

 
1. Cité dans : Sarah IRVING, « Fair Trade’s New Frontiers»
www.ethicalconsumer.org/CommentAnalysis/Features/FairTradesNewFrontiers.aspx

2. idem.
3. Source : Sarah Irving, « Trying To Be Fair» - www.developments.org.uk/articles/trying-to-be-fair
4. Source : Sarah Irving, « Fair Trade’s New Frontiers» - www.ethicalconsumer.org/CommentAnalysis/Features/
FairTradesNewFrontiers.aspx
5. Source : Sarah Irving, « Trying To Be Fair» - www.developments.org.uk/articles/trying-to-be-fair

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