vendredi 14 septembre 2012

Commerce équitable au Rwanda : La Coopérative ABAHUZAMUGAMBI

Le café rwandais
Jusque dans les années 1970, le café rwandais était parmi les plus réputés dans le monde.Depuis, sa renommée a décru lentement mais inexorablement. En cause, la chute des prix du café sur les marchés internationaux mais aussi la libéralisation du secteur menée par le pays qui a entraîné très logiquement une très forte réduction des recettes d’exportation1.
En plus de cela, pendant les années de guerre civile, nombreux furent ceux qui très naturellement ont abandonné leurs caféiers ou les ont arrachés afin de se consacrer à des cultures plus prioritaires à leur survie. «Avant le génocide, 52 000 hectares étaient couverts de plantations caféières. Quatre ans plus tard (en 1998 –ndlr), on estimait que seuls 24 000 hectares avaient été préservés»2.

Depuis le début des années 2000, la filière se reconstruit peu à peu. Le Rwanda a replanté 4 à 6 millions de caféiers par an et bénéficié dans le même temps d’une remontée des cours mondiaux et d’une baisse du taux de change de sa monnaie, ce qui a renforcé sa compétitivité.
L’arrivée d’Internet a elle aussi bouleversé la situation en permettant au consommateur de choisir ses produits en fonction de leur qualité, privilégiant, dans le cas du café rwandais, les cafés des terroirs dont la qualité est (re)connue. Cette nouvelle donnée a impliqué des changements de mentalité chez les planteurs qui ont dû progressivement privilégier la qualité à la quantité.
C’est précisément dans ce contexte qu’apparaissent timidement les premières initiatives de commerce équitable au Rwanda.
 
« Produire un café de qualité dans l’une des régions les plus pauvres du pays pour rendre courage à la nation», tel est le défi posé en 2001 par l’Office des Cultures Industrielles du Rwanda, l’OCIR, qui dépend directement du Ministère du Commerce. Classé comme l’un des plus pauvres du Rwanda et situé dans la province de Butare, le district de Maraba est choisi comme site d’implantation d’une station pilote de lavage du café dans le cadre du projet PEARL (Partnership for Enhancing Agriculture in Rwanda through Linkages).
Mené en collaboration avec la Michigan State University et la Texas A&M University, et avec le financement de l’USAID (l’Agence Américaine pour le Développement International), ce projet-pilote3 «consiste à améliorer la production et la qualité du café produit dans ce district, afin de le vendre sur le marché du café de spécialité, à travers un meilleur encadrement et une meilleure organisation des producteurs, de meilleures pratiques culturales, et une amélioration du traitement du café»4.

Une des premières organisations à tirer profit de ce programme fut la coopérative Abahuzamugambi Ba Kawa, dont le nom résume exactement la philosophie : «Ceux qui ont des objectifs communs».
Créée après le génocide par 300 petits producteurs qui souhaitaient améliorer leurs conditions de vie, elle rassemble aujourd’hui près de 2000 membres et, fait admirable, permet aux Tutsis et aux Hutus de se côtoyer dans les collines verdoyantes de Butare.
Etienne Bihogo, l’un des responsables de cette coopérative, le reconnaît volontiers : «C’est vrai que cette coopérative contribue à la réconciliation. On peut voir notamment dans les stations de lavage du café les gens se retrouver ensemble sur les mêmes tâches. Ils raisonnent désormais tous en termes de profits et ne pensent plus à ce qui pourrait les opposer».
Distribué par l’Union Hand-Roasted Coffee depuis octobre 2002, le café de la coopérative est commercialisé aux Etats-Unis et au Royaume-Uni (notamment dans les 350 magasins de la chaîne Sainsbury’s).
Sa qualité a permis à l’entreprise de faire un bénéfice de l’ordre de 20 000 € et de vendre son café trois fois plus cher que les autres producteurs rwandais. Deux chiffres résument à eux seuls l’évolution de la coopérative : la livre de café était vendue 0,14 $ (0,09 €) en 2001 et 1,36 $ (0,9 €) en 20045.
Aujourd’hui, Abahuzamugambi Ba Kawa emploie de nombreuses veuves qui, avec l’argent des ventes du café, achètent des vaches et assurent la scolarité de leurs enfants. Selon Etienne Bihogo, «il est significatif de voir que, dans la région de Maraba, les centaines d’enfants des producteurs vont tous à l’école, que les médicaments sont désormais disponibles dans les dispensaires et surtout que les maisons ont été reconstruites ou rénovées. Et cela peut se prolonger»6.


Texte : Dan Azria
Extrait de la brochure du Trade for Development Centre : "Le commerce équitable en zones de conflit", téléchargeable gratuitement sur www.befair.be, rubrique "ressources"

Crédit photo  : Borlaug Institute


1. Chiffres extraits de « Le café et les caféiculteurs au Rwanda : cas du district de Maraba, (Butare) dans la province du Sud », par Déogratias Harorimana, Mathias Harebamungu, Jean-Pierre Bizimana, EPU, Éditions Publibook, Université, 2007
2. Extrait de www.infoSud-belgique.info/article.php3?id_article=278
3. Le partenariat de PEARL dépasse ces deux organismes et associe l’Université nationale du Rwanda – UNR, l’Institut des Sciences agronomiques du Rwanda – ISAR, l’Agricultural Cooperative Development International / Volunteers in Overseas Cooperative Assistance – ACDI/VOCA, l’Office des Cultures industrielles du Rwanda - OCIR, le Kigali Institute of Sciences and Technology – KIST et le centre IWACU.
4. Source : « Le café et les caféiculteurs au Rwanda », op. cit., p.15
5. Chiffres cités par Samuel GOFF, auteur de plusieurs thèses sur le sujet, dans son texte « International partnerships for the development of the speciality coffee sector un Rwanda » présenté à la « 22nd Annual Conference Proceedings » de l’AIAEE en Floride en 2006.
6. Ibidem

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